L'ATD13 a réalisé cet article afin de donner un éclairage juridique sur l’ordonnance n°2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités locales afin de faire face à l’épidémie de Covid-19.
En complément de l’entrée en vigueur des mesures législatives essentielles pour les élus locaux prévues dans la loi d’urgence du 23 mars 2020, notamment sur la gouvernance des collectivités territoriales en raison du report du second tour des élections municipales et de l’entrée en fonction différée des conseillers municipaux élus au soir du 1er tour, cette présente note précise le contenu de l’ordonnance relative au fonctionnement et à la gouvernance des communes pendant la période d’urgence sanitaire.
La présente note s’articule autour de trois axes principaux intéressant le fonctionnement institutionnel des communes pendant la période d’urgence sanitaire :
I - Le renforcement des pouvoirs des exécutifs locaux
L’article 1er de l’ordonnance n°2020-391confie de plein droit aux exécutifs locaux, sans qu’une délibération ne soit nécessaire, les attributions que les assemblées délibérantes peuvent habituellement leur déléguer par délibération afin de faciliter la prise des décisions dans les matières permettant d’assurer la continuité du fonctionnement et de l’action des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Pour les communes, le maire exerce l’ensemble des attributions mentionnées à l’article L. 2122-22 du CGCT (à l’exception du 3° portant sur les emprunts), sans nécessité pour le conseil municipal de fixer les limites prévues dans le droit commun pour l’exercice de certaines délégations. De plus il procède à l’attribution des subventions aux associations et peut garantir les emprunts.
Ces dispositions sont à corréler avec des dispositions de la loi Covid-19 n° 2020-290 du 23 mars 2020 qui prévoient au sein du IV de l’article 19 que :
« Les délégations attribuées aux élus dont le mandat est prolongé non plus qu'aucune délibération ne deviennent caduques de ce seul fait ».
Les délibérations antérieures qui demeuraient sont maintenant remplacées par ce nouveau dispositif.
2. Quid des emprunts, des subventions et des lignes de trésorerie
L’ordonnance a également prévu que le maire pendant cette période d’urgence sanitaire procède à l’attribution des subventions aux associations et peut garantir les emprunts (art. 1, I ordonnance n°2020-391) sans habilitation préalable de l’organe délibérant.
L’ordonnance a, en revanche, exclu des attributions confiées de plein droit au maire le 3° de l’article 2122-22 du CGCT relatif aux « emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget, et aux opérations financières utiles à la gestion des emprunts, y compris les opérations de couvertures des risques de taux et de change ».
Pour rappel, ce point 3° cesse, dès l'ouverture de la campagne électorale pour le renouvellement du conseil municipal (cf art. L. 2122-22, dernier alinéa du CGCT)
Toutefois, l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19 a prévu que :
«Les délégations en matière d’emprunts ayant pris fin en 2020 en application du dernier alinéa des articles L. 2122-22, L. 3211-2 et L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales sont rétablies à compter de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance et restent valables jusqu’à la première réunion du conseil municipal ou de l’organe délibérant suivant cette entrée en vigueur.»
Les délégations à l’exécutif des communes pour réaliser des emprunts, qui ont pris fin avec le début de la campagne électorale, sont ainsi rétablies jusqu’à la prochaine réunion de l’assemblée délibérante. C’est ce qu’indique en effet l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux
Jusqu'à la première réunion du conseil municipal suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2020-330, les emprunts destinés au financement des investissements peuvent être réalisés dans les limites fixées dans ces délégations passées et désormais rétablies par l’ordonnance.
L’ordonnance n°2020-391 maintient la possibilité d’instaurer de nouvelles délégations en matière d’emprunt sous réserve d’une délibération de l’assemblée délibérante qui en fixe les limites. Sur ce point, le dispositif n’est donc pas modifié par l’état d’urgence et ces dispositions d’ores et déjà définies au 3° de l’article 2122-22 du CGCT sont maintenues.
A ceci s’ajoute le fait que le point V de l’article 1er de l’ordonnance n°2020-391 précise que :
« l’exécutif peut souscrire les lignes de trésorerie nécessaires dans une limite correspondant au montant maximum entre :
1° Le plafond fixé, le cas échéant, par la délibération portant délégation en la matière ;
2° Le montant total du besoin budgétaire d’emprunt figurant au budget de l’exercice 2020, ou, si ce dernier n’a pas été adopté, à celui de l’exercice 2019 ;
3° 15 % des dépenses réelles figurant au budget de l’exercice 2020, ou, si ce dernier n’a pas été adopté, à celui de l’exercice 2019. »
3. Des subdélégations de fonction et de signature possibles
A l’instar des dispositions de droit commun, les décisions prises par l’exécutif dans le cadre des délégations accordées par l’article 1 de l’ordonnance (attributions de plein droit) peuvent être signées par un élu disposant d’une délégation de fonctions ou par un agent disposant d’une délégation de signature (possibilité de subdélégation)
Ainsi, sous réserve qu’ils disposent d’une délégation de fonctions consentie dans les conditions exposées à l’article L. 2122-18 du CGCT, les adjoints au maire et les conseillers municipaux peuvent signer ces décisions.
Ces décisions peuvent également être signées par le directeur général des services, le directeur général adjoint des services, le directeur général des services techniques, le directeur des services techniques et les responsables de service ayant reçu délégation de signature par le maire dans les conditions fixées à l'article L. 2122-19 du CGCT (art. 1, I ordonnance n°2020-391).
4. L’information des assemblées et le contrôle de l’exécutif local
Les attributions confiées de plein droit aux exécutifs locaux feront l'objet d'un double contrôle.
S’il dispose de pouvoir élargi, le maire doit informer sans délai et par tout moyen les conseillers municipaux des décisions prises sur le fondement de ces délégations dès leur entrée en vigueur.
Il en rend compte également à la prochaine réunion du conseil municipal.
A noter que le Maire devra également informer les nouveaux conseillers municipaux élus au soir du 1er tour et dont leur entrée en fonction est différée. En effet, « Les candidats élus au premier tour dont l’entrée en fonction est différée sont destinataires de la copie de l’ensemble des décisions prises sur le fondement de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales et, le cas échéant, de tout acte de même nature pris par le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou son remplaçant, et ce jusqu’à leur installation » (art. 19, XIV, de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020).
Comme dans le droit commun, le conseil municipal pourra dès sa première réunion modifier ou supprimer tout ou partie des délégations attribuées de plein droit à l’exécutif et les exercer lui-même.
Ce point doit nécessairement figurer à l'ordre du jour de la première réunion du conseil municipal qui suit l'entrée en vigueur de l’ordonnance n°2020-391 du 1 er avril 2020.
Ainsi, les assemblées délibérantes peuvent faire le choix de retirer à l’exécutif tout ou partie des attributions qui lui sont confiées pour les exercer elles-mêmes, de modifier tout ou partie de ces attributions, par exemple pour fixer des conditions ou des limites à ces dernières ou de conserver cette répartition le temps de l’état d’urgence.
Le conseil municipal pourra in fine, après avoir repris ses attributions, réformer les décisions prises dans le cadre de ces délégations, sous réserve des droits acquis.
Cela pourra conduire cependant à de sérieuses difficultés en termes de retraits ou d’abrogations d’actes.
Les décisions prises par le maire dans le cadre des attributions qui lui sont consenties de plein droit par l’article 1er de l’ordonnance n°2020-391 seront soumises au contrôle de légalité de l'autorité préfectorale compétente (art. 1er, I ord. n°2020-391).
II - Un assouplissement des règles de fonctionnement du conseil municipal pendant la période d’urgence sanitaire
Pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, le quorum est fixé au tiers, au lieu de la moitié, des membres nécessaires pour que le conseil municipal puisse valablement délibérer (art. 2, ordonnance n°2020-391)
Si, après une première convocation régulièrement faite, le quorum fixé à un tiers n’est pas atteint, l'organe délibérant est à nouveau convoqué à trois jours au moins d'intervalle. Il délibère alors sans condition de quorum.
Autre souplesse introduite par l’article 10 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, le quorum s’apprécie en fonction des membres présents ou représentés.
En effet, dans le droit commun, pour le calcul du quorum, doit seulement être pris en compte les conseillers municipaux physiquement présents à la séance.
Par exception, l’article 10 indique que sont pris en compte dans le calcul du quorum non seulement les membres présents mais également les conseillers municipaux qui ont donné procuration à un autre conseiller (membres représentés).
L’article 10 de la loi n°2020-290 prévoit par ailleurs que les conseillers municipaux peuvent être porteurs de deux pouvoirs, contre un seul aujourd’hui.
2. Faciliter la réunion de l’assemblée délibérante à la demande de ses membres
L’article 3 de l’ordonnance n°2020-391 abaisse la proportion des membres nécessaires pour provoquer une réunion de l’organe délibérant.
Aujourd’hui fixée au tiers des membres du conseil municipal en application de l’article L. 2121-9 du CGCT, cette proportion est fixée pendant la période d’état d’urgence au cinquième. Un même membre de l’organe délibérant ne peut présenter plus d’une demande de réunion par période de deux mois d’application de l’état d’urgence sanitaire.
Lorsqu’une demande est présentée, le chef de l’exécutif disposera d’un délai de six jours pour organiser la réunion, le cas échéant par téléconférence (voir ci-après)
3. Levée de l'obligation trimestrielle de réunion de l’organe délibérant
L’article 3 de l’ordonnance n°2020-391 prévoit que l’obligation trimestrielle de réunion de l’organe délibérant est levée pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire.
4. Allègement des procédures de consultations préalables à la prise de décision
L’article 4 de l’ordonnance n°2020-391 allège les modalités de consultations préalables à la prise de décisions des collectivités territoriales :
« Dans les collectivités territoriales et leurs groupements, le maire ou le président de l'organe délibérant peut décider que les commissions et conseils mentionnés aux articles L. 1111-9-1, L. 2121-22, L. 3121-22 L. 4132-21, L. 5211-10-1, L. 7122-23, L. 7222-23 du code général des collectivités territoriales et L. 121-20 du code des communes de Nouvelle-Calédonie, le cas échéant, le conseil économique, social et environnemental régional ne sont pas saisis des affaires qui leur sont, habituellement ou légalement, préalablement soumises ».
S’agissant des communes sont visées uniquement les commissions créées en application de l’article L. 2121-22 du CGCT. Il s’agit des commissions dites facultatives, qui sont créées à l’initiative du conseil municipal, dont le rôle se limite à l’examen préparatoire des affaires et questions qui doivent être soumises au conseil municipal.
Afin de faciliter la prise de décision au sein des communes, l'article 4 de l’ordonnance prévoit donc que le maire peut décider de ne pas consulter ces commissions internes prévues par l’article L. 2121-22 du CGCT.
S’il est fait application de cette possibilité d’allègement, le maire fait part sans délai de cette décision aux commissions concernées, leur communique par tout moyen les éléments d’information relatifs aux affaires sur lesquelles elles n’ont pu être consultées et les informe des décisions prises.
5. La réunion à distance du conseil municipal rendue possible
L’article 6 de l’ordonnance autorise la réunion à distance des organes des collectivités territoriales et de leurs groupements, par visioconférence ou à défaut audioconférence.
A l’évidence, et même si l’ordonnance ne le mentionne pas expressément, l’exécutif est donc libre de choisir l’outil adapté.
Les convocations à la première réunion de l’organe délibérant à distance, précisant les modalités techniques de celles-ci, sont transmises par le maire par tout moyen (ce qui déroge à l’envoi électronique par défaut des convocations posé par la loi engagement et proximité).
Le maire rend compte des diligences effectuées par ses soins lors de cette première réunion.
Sont déterminées par délibération au cours de cette première réunion :
Les votes ne peuvent avoir lieu qu’au scrutin public.
En cas d’adoption d’une demande de vote secret, l’ordonnance prévoit juste que le maire reporte ce point de l’ordre du jour à une séance ultérieure et que cette séance ne peut se tenir par voie dématérialisée.
Le scrutin public peut être organisé soit par appel nominal, soit par scrutin électronique, dans des conditions garantissant sa sincérité.
En cas de partage, la voix du maire ou du président est prépondérante. Le maire ou le président proclame le résultat du vote, qui est reproduit au procès-verbal avec le nom des votants.
A chaque réunion de l'organe délibérant à distance, il en est fait mention sur la convocation.
Le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance. Il semblerait donc que la réunion peut être présentielle ou mixte entre présentiel et distanciel.
Le caractère public de la réunion de l'organe délibérant est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique
III - L’adaptation des règles d’entrée en vigueur des actes administratifs
1.La publication des actes réglementaires de la collectivité sous format électronique
Le II de l’article 7 facilite, pendant l’état d’urgence sanitaire, l’accomplissement des formalités de publicité des actes réglementaires des autorités locales qui conditionnent leur entrée en vigueur et déterminent le point de départ des délais de recours.
En l’état du droit commun, les articles L. 2131-1 du CGCT disposent que ces actes règlementaires doivent, d’une part, être transmis au représentant de l’État pour l’exercice du contrôle de légalité et, d’autre part, être affichés ou publiés. La publication doit être obligatoirement assurée sous forme papier. La forme électronique n’est possible qu’à titre complémentaire et est dépourvue d’effets juridiques.
L’’article 7 prévoit, à titre dérogatoire, que la publication des actes réglementaires puisse être assurée sous la seule forme électronique, sur le site internet de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales lorsqu’il existe.
Ainsi, pour les collectivités territoriales ou leurs groupements qui le souhaitent, la publication des actes réglementaires peut être assurée uniquement sous forme électronique. Elle conditionne alors l’entrée en vigueur des actes et détermine le point de départ des délais de recours. Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ont toujours la possibilité de publier leurs actes sous forme papier.
Il conviendra de veiller à ce que ces actes sous forme électronique soient publiés :
2 . Les modalités de transmission des actes au contrôle de légalité allégées
L’article 7 assouplit transitoirement les modalités de transmission des actes au contrôle de légalité, sans remettre en question les voies de transmission habituelles (par papier et par le biais du système d’information @ctes auquel une majorité de collectivités et groupements sont déjà raccordés).
L’ordonnance autorise ainsi la transmission électronique des actes aux préfectures par messagerie et ce jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Afin d’être considérée comme régulière, cette modalité de transmission par voie électronique devra cependant répondre à plusieurs exigences tenant notamment à la bonne identification de la collectivité émettrice.