L'ATD13 propose un éclairage juridique sur l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au Code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.
Le champ d’application de l’ordonnance est fixé par son article 1 en vertu duquel :
« Sauf mention contraire, les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux contrats soumis au code de la commande publique ainsi qu'aux contrats publics qui n'en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d'une durée de deux mois.
Elles ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l'exécution de ces contrats, de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ».
Il ressort de cette disposition que cette ordonnance n’a pas seulement pour vocation de régir l’ensemble des contrats publics conclus à partir du 12 mars 2020 pendant la période de l’état d’urgence sanitaire mais également les contrats en cours d’exécution à cette date.
A noter que l’ordonnance s’applique non seulement aux contrats soumis au Code de la commande publique, c’est-à-dire aux marchés publics et aux contrats de concession, mais également aux contrats publics ne relevant pas de ce code tel que les conventions d’occupation domaniale ou les baux emphytéotiques administratifs lesquels ont le caractère de contrats administratifs en application de l’article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.
La direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des finances dans sa fiche technique portant du l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 en date du 06 avril 2020 précise que si la notion de contrats publics n’est pas définie par les textes ou la jurisprudence, elle ne se limite pas aux contrats administratifs.
Cette notion englobe également « l’ensemble des contrats qui s’inscrivent dans la sphère publique, c’est-à-dire les contrats des personnes morales de droit public ainsi que ceux qui sont conclus par les personnes morales de droit privé qui répondent à la définition du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice au sens des articles L. 1211-1 et L. 1212-1 du code de la commande publique ».
Ainsi que le précise l’article 1, les mesures d’adaptation prévues par l’ordonnance ne doivent être appliquées que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face, aussi bien lors des procédures de passation des marchés que durant leur exécution, aux conséquences de l’épidémie.
A contrario, pour les situations n’entrant pas dans les cas visés par l’ordonnance, le droit commun de la commande publique continue de s’appliquer.
L’aménagement des procédures de passation des marchés publics est prévu aux articles 2 et 3 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020.
A ce titre, l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée dispose :
« Pour les contrats soumis au code de la commande publique, sauf lorsque les prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard, les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours sont prolongés d'une durée suffisante, fixée par l'autorité contractante, pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner ».
Par principe, les procédures de passation des contrats de la commande publique doivent se dérouler dans des délais minimums de publicité et de mise en concurrence afin de permettre aux entreprises intéressées d’accéder effectivement aux contrats de la commande publique mais également de permettre une mise en concurrence suffisante pour que ces contrats soient conclus dans les meilleures conditions économiques.
Ainsi, pour les contrats passés pendant l’état d’urgence sanitaire augmentée d’une durée de deux mois, c’est-à-dire du 12 mars 2020 au 24 juillet 2020 à l’heure actuelle, l’acheteur devra veiller à prévoir une durée de mise en concurrence suffisante afin de permettre aux entreprises intéressées de soumissionner aux marchés publics.
Néanmoins, lorsque cela est nécessaire pour faire face aux conséquences de l’épidémie, l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 permet aux acheteurs de prolonger les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours, qui doivent dès lors fixer les délais de réception de candidature et des offres en tenant, notamment, compte tenu du marché, de la complexité des prestations et des difficultés rencontrées par les entreprises.
La durée de prolongation est appréciée par l’acheteur. Elle doit néanmoins être d’une durée suffisante, au regard notamment de la complexité des dossiers à constituer, pour donner le temps aux opérateurs économiques qui ont rencontré un certain nombre de difficultés, de ralentissement et de blocage dans leurs activités de présenter leur candidature.
La fiche de question-réponse de la Direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’économie et des finances relative aux conséquences de la crise sanitaire sur la commande publique précise que si la date des candidatures et des offres n’est pas encore close, les acheteurs peuvent la modifier en publiant un avis rectificatif qui motive le report du délai.
Il est à ce titre, possible d’envoyer un message d’information à l’ensemble des opérateurs économiques ayant retiré le dossier de consultation concerné, fait acte de candidature ou déposé une offre, et faire apparaître un message en ce sens sur la page dédiée à cette offre sur le profil acheteur de la personne publique contractante.
Cette même fiche ajoute que ces principes ne font pas obstacle à la possibilité offerte aux acheteurs de recourir aux dispositions spécifiques afférentes à l’urgence simple, permettant de réduire les délais de passation des marchés, ou à l’urgence impérieuse, permettant la mise en place d’une procédure sans publicité ni mise en concurrence, prévues par le Code de la commande publique, dans les conditions prévues par ces dispositions.
Cet aménagement est prévu par l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 lequel dispose :
« Lorsque les modalités de la mise en concurrence prévues en application du code de la commande publique dans les documents de la consultation des entreprises ne peuvent être respectées par l'autorité contractante, celle-ci peut les aménager en cours de procédure dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats ».
Par principe le règlement de la consultation est obligatoire dans toutes ses dispositions. Toutefois en raison des mesures de restriction d’activité et de confinement, l’autorité contractante peut y apporter certains aménagements tout en respectant les principes de transparence et d’égalité de traitement des soumissionnaires.
Afin de pallier les difficultés de mise en œuvre de certaines modalités pratiques, les autorités contractantes peuvent organiser des modalités alternatives de mise en concurrence. A titre d’exemple, les réunions de négociation en présentiel peuvent être remplacées par des réunions en visio conférence.
L’autorité contractante doit néanmoins s’assurer que ces nouvelles modalités de mise en concurrence ne sont pas susceptibles de porter atteinte à l’égalité de traitement des candidats. Elle doit ainsi informer l’ensemble des candidats et s’assurer qu’ils aient tous la possibilité de poursuivre la procédure selon les nouvelles modalités fixées.
Il convient néanmoins que seules soient autorisées les modifications non substantielles, ne remettant pas en cause les conditions initiales de la mise en concurrence. La fiche question-réponse de la DAJ donne quelques exemples des modifications pouvant être envisagées :
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 prévoit que les contrats publics arrivés à terme durant la période de l’état d’urgence sanitaire augmentée de 2 mois, soit jusqu’au 24 juillet à l’heure actuelle, peuvent être prolongés au-delà de la durée prévue par le contrat.
Cette prolongation, qui est formalisée par la signature d’un avenant, ne peut être mise en œuvre uniquement si l’organisation d’une procédure de mise en concurrence se révèle impossible.
Cet article précise que la prolongation ne peut excéder la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’une part d’une durée de deux mois à laquelle s’ajoute la durée nécessaire à la remise en concurrence.
La fiche technique de la DAJ précitée précise que si l’état d’urgence devait être prorogé par le législateur un nouvel avenant de prolongation du contrat pourrait être signé.
Cette même fiche technique ajoute que certains accords-cadres, prolongés dans les conditions indiquées ci-dessus pourront avoir une durée totale supérieure à quatre ans pour les pouvoirs adjudicateurs, sans que cette prolongation soit contraire aux directives européennes, lesquelles permettent d’aller au-delà des durées maximales « dans des cas exceptionnels dûment justifiés » (directives 2014/24 et 2014/25) ou « dans des circonstances exceptionnelles » (directive 2009/81)
De même, les contrats de concession dans le domaine de l’eau potable, des ordures ménagères et autres déchets peuvent se prolonger au-delà de la durée de vingt-ans fixée à l’article L.3114-8 du code de la commande publique sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’examen préalable du directeur départemental des finances publiques.
L’article 5 de l’ordonnance n° 2020-19 du 25 mars 2020 prévoit que les acheteurs publics peuvent, par avenant modifier les conditions de versement de l’avance.
Cette disposition s’applique aussi bien aux contrats en cours d’exécution à la date du 12 mars 2020 qu’aux contrats conclus à compter de cette date.
A ce titre, lorsque cela est nécessaire à la bonne exécution des prestations, les acheteurs sont autorisés à accorder des avances dont le montant excède le plafond de 60% du montant initial du marché ou du bon de commande fixé par l’article R. 2191-8 du Code de la commande publique.
En outre, cet article permet de déroger à l’obligation d’exiger des entreprises qu’elles constituent une garantie à première demande lorsque le montant de l’avance versée est supérieur à 30% du montant du marché ou du bon de commande. Bien évidemment, il ne remet pas en cause le régime applicable pour les avances inférieures à 30%, pour lesquelles la constitution d’une garantie à première demande était déjà facultative.
Si une entreprise est dans l’impossibilité matérielle de respecter les délais contractuels, elle doit dès lors en informer l’acheteur dans les conditions prévues par le contrat. L’entreprise doit alors démontrer qu’elle ne dispose pas des moyens suffisants afin de répondre à ces obligations contractuelles dans les délais prévus par le marché ou que la mobilisation des moyens nécessaires ferait peser sur elle une charge excessive.
Dans cette hypothèse l’article 6, 1° de l’ordonnance autorise l’acheteur à proroger ce délai pour une durée au moins égale à la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois, soit le 24 juillet à l’heure actuelle.
Il convient cependant de remarquer, ainsi que le précise la fiche technique de la DAJ, en date du 6 avril 2020 précitée, l’article 6,1° ne s’oppose pas à ce que les parties s’accordent sur un délai inférieur si celui énoncé par l’ordonnance n’est pas nécessaire.
Les parties peuvent également s’entendre sur une durée supérieure à celle prévue par cet article.
Si en raison de l’épidémie le titulaire d’un marché se trouve dans l’impossibilité matérielle de continuer à exécuter tout ou partie des prestations du marché, il doit en informer l’acheteur dans les plus brefs délais. Il doit démontrer l’impossibilité qu’elle dispose des moyens suffisants afin de respecter ces obligations contractuelles ou que la mobilisation de ces moyens ferait peser sur lui une charge excessive.
Le titulaire doit donc produire l’ensemble des éléments dont il dispose afin de démontrer les réelles difficultés d’exécution.
Dans cette hypothèse, l’article 6.2 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 prévoit qu’aucune sanction ni aucune pénalité contractuelle ne peut être prononcé à l’encontre du titulaire.
Ce même article ajoute que la responsabilité contractuelle du titulaire du marché ne peut être recherchée du fait de cette défaillance.
Si l’entreprise se retrouve dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations contractuelles, dans les conditions exposées ci-dessus, l’article 6, 2° de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, permet à l’acheteur, pour pallier la défaillance du titulaire du marché, de faire procéder par un tiers à l’exécution des prestations qui ne peuvent souffrir d’aucun retard, cela même si le marché initial contient une clause d’exclusivité.
Ainsi que le précise la fiche question-réponse de la DAJ, l’acheteur pourra, si ce besoin ne peut souffrir d’aucun retard, conclure un marché de substitution avec un tiers. L’acheteur devra néanmoins motiver les circonstances de fait justifiant la conclusion de ce marché de substitution notamment l’impossibilité pour le titulaire du marché d’exécuter les prestations prévues par le contrat initial mais aussi démontrer que l’exécution des prestations prévues ne peut souffrir d’aucun retard.
En cas d’urgence impérieuse ce marché pourra être conclu sans publicité ni mise en concurrence. Il conviendra alors de démontrer l’urgence impérieuse laquelle est définie à l’article R. 2122-1 du Code la commande publique. Cette urgence doit résulter de circonstances extérieures au marché, doit être imprévisible, doit empêcher le respect des délais minimaux exigés par les procédures formalisées (article R. 2122-1 du Code de la commande publique).
Il convient à ce titre de préciser que même si l’acheteur se retrouve dans l’obligation de conclure un marché de substitution le titulaire du marché ne peut notamment se voir infliger des pénalités de retard ou toute autre pénalité et le contrat ne peut être résilié pour faute. De même, sa responsabilité contractuelle ne peut être mise en jeu par l’autorité contractante pour ce motif (art. 6, 2° a de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020).
Les conséquences de la suspension, de l’annulation ou de la résiliation d’un marché ou d’un bon de commandes sont prévues aux articles 6, 3° à 6, 4° de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020.
Le titulaire du marché a droit à cette indemnisation même en présence d’une clause contractuelle excluant une telle indemnisation. Néanmoins cette disposition ne fait pas obstacle à l’application des clauses prévoyant une indemnisation plus favorable pour le titulaire du contrat, qui trouveront dès lors à s’appliquer.
De même, si le contrat ne s’y oppose pas, cette disposition n’interdit pas au titulaire du marché de percevoir une indemnisation complémentaire au titre de son manque à gagner du fait de l’inexécution des prestations en application de la jurisprudence en cas de résiliation pour motif d’intérêt général (Fiche technique de la DAJ sur l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020).
A l’issue de la suspension, l’entreprise reprend l’exécution des prestations (Fiche technique de la DAJ sur l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020).
Un avenant devra déterminer les modifications du contrat rendues nécessaires, acter sa reprise ou procéder à sa résiliation. Au regard des prestations effectivement réalisées et des sommes forfaitaires versées par l’acheteur, l’avenant devra également préciser les sommes éventuellement dues au titulaire ou, au contraire, les sommes dues par ce dernier à l’acheteur.
Cette disposition concerne essentiellement les marchés forfaitaires ayant prévu des échéances de paiement étalées dans le temps selon une périodicité précise (mensuelle, trimestrielle…) et ayant déterminé le montant de ces versements forfaitaires échéancés.
La disposition de l’ordonnance constitue une dérogation à la règle du service fait. Le paiement des échéances doit continuer, selon la périodicité prévue, quand bien même les prestations du contrat sont suspendues temporairement, ou ne sont que partiellement exécutées.
Les conséquences de la suspension d’une concession en cours sont prévues par les dispositions des articles 6, 5° et 6, 6° de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020.
A ce titre, la fiche technique de la DAJ sur l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 précise qu’une avance des sommes qui lui sont dues par l’autorité concédante peut également lui être versée. Cette disposition vise essentiellement les concessions pour lesquelles la situation économique du concessionnaire sur la durée totale du contrat, ne lui permettrait pas de surmonter les difficultés passagères auxquelles il est confronté.