Le comptable public, s’il est chargé de l’exécution des dépenses, doit toutefois veiller à leur régularité. En effet, aux termes de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1960, leur « responsabilité personnelle et pécuniaire est engagée » en cas d’irrégularité. Claire au premier abord, cette disposition a toutefois été interprétée par le juge, affirmant que « les comptables doivent exercer leur contrôle sur la production des justifications mais n’ont pas le pouvoir de se faire juges de la légalité des décisions administratives » (CE, 5 février 1971, Min. des finances c. Balme, n°71173). La question se posait toutefois de savoir où s’arrête le contrôle de régularité, où commence celui de légalité. Le Conseil d’Etat est venu y répondre par deux arrêts en date du 8 février 2012 (CE, 8 février 2012, n°340698 ; CE, 8 février 2012, n°342825).
En cassant deux jugements de la Cour des Comptes, la haute juridiction administrative vient préciser le contrôle que le comptable doit effectuer quant à la « validité de la créance » (décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique), mettant ainsi fin à une certaine insécurité juridique.
Ainsi, « pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ». De plus, « il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires ».
Cela signifie qu’il revient au comptable de vérifier que l’ensemble des pièces qui lui ont été fournies au regard de la nomenclature, soient complètes, précises et cohérentes au regard de la catégorie de la dépense, de sa nature et de son objet. En cas de pièces manquantes ou d’irrégularité flagrante, telle l’absence de contrat écrit obligatoire au regard du droit des marchés publics, le comptable devra suspendre le paiement et interpeller l’ordonnateur sur l’insuffisance des pièces sans toutefois lui imposer une certaine marche à suivre.
Cette solution permet au comptable d’une part de se protéger tout en demeurant dans les limites de son contrôle, et d’autre part de laisser à l’ordonnateur assumer seul la responsabilité de l’absence d’éventuelles pièces justifiant le paiement d’une dépense. Les contours de cette solution devront toutefois être précisés par le juge.