Pour rappel, en application de l'article 168 de la loi de finances pour 2022, l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, a unifié ce régime de responsabilité tout en maintenant la distinction entre ordonnateurs et comptables. L'objectif est notamment de sanctionner directement la personne à l'origine de l'infraction. Auparavant, c'était le comptable public qui était sanctionné et ce même si la faute trouvait son origine auprès de l'ordonnateur.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, les ordonnateurs et comptables publics sont justiciables devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes, en appel devant la cour d’appel financière et en cassation devant le Conseil d'Etat.
Cette réforme concerne l’ensemble des gestionnaires publics, c'est-à-dire les ordonnateurs et comptables, à l'exception des élus locaux et des personnes qui suivent les instructions de leurs supérieurs hiérarchiques ou détenant un ordre écrit de l'élu local.
Une réponse ministérielle (QE, n° 01540 de M. Pierre-Antoine LEVI, Rép. Min. JO Sénat, 15 sept. 2022, p. 4462) venait toutefois préciser fin 2022 que ce nouveau régime de responsabilité ne vise qu’à « (…) réserver l’intervention d'un juge financier uniquement aux infractions les plus graves ayant causé un préjudice financier significatif à l'organisme public concerné ou celles qui, compte tenu de leur nature, sont considérées comme importantes eu égard à l'ordre public financier (octroi d'avantage injustifié, non production de comptes pour un comptable). Les erreurs ou fautes les moins graves doivent se voir apporter une réponse managériale sans l'intervention d'un juge ».
Après plusieurs arrêts rendus contre des agents exerçant des responsabilités importantes (notamment directeurs, voir en ce sens, Cours des comptes, 11 mai 2023, Société ALPEXPO, n°S-2023-0604, aff. n°836), la Cour des comptes a, cet été, aussi condamné et jugé responsable un agent d’exécution en application du nouveau régime de responsabilité unifiée des ordonnateurs et des comptables publics.
En effet, le 10 juillet dernier, par un arrêt n° S-2023-0858, la chambre du contentieux de la Cour des comptes a jugé l’ancienne directrice du centre hospitalier Sainte-Marie à Marie Galante, en fonction entre 2012 et 2021, son successeur de 2021 à 2023, ainsi qu’un agent chargé du suivi des contentieux sur l’ensemble de la période, au titre des deux infractions prévues à l’article L. 131-14 du code des juridictions financières : la condamnation de l’organisme concerné à des astreintes en raison de l’inexécution d’une décision de justice (1° de l’article L. 131-14) et l’absence ou le retard d’ordonnancement de sommes résultant de décisions juridictionnelles (2° de l’article L. 131-14).
La Cour des comptes a retenu la responsabilité des personnes renvoyées et prononcé des amendes à leur encontre.
Ainsi, dans cette affaire, la Cour a pu descendre relativement bas dans la hiérarchie pour ces infractions faites pour les ordonnateurs et les comptables, bien que cet agent ait tenté de se défendre en décrivant son manque de responsabilité :
« Dans son mémoire adressé le 19 juin 2023, Mme A indique que la mission qui lui était confiée par la direction « était de faire la synthèse des éléments de litiges administratifs des dossiers en cours », qu’elle n’était pas responsable des affaires juridiques et qu’elle assumait « une mission transversale de suivi des dossiers contentieux en lien avec l’avocat et sous couvert des lignes directrices fixées par le ou les directeur(s)». Mme A ajoute qu’elle appliquait et traitait les décisions administratives « comme [sa]direction [le lui] demandait ».
En l’espèce, cet agent a été condamnée à 1 000 euros contre 7 000 et 2 000 s’agissant de l’ancienne directrice puis de son successeur.
Cette affaire révèle la nette évolution du régime de responsabilité financière depuis cette réforme introduite par l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022.
C.C.